Peut-on aimer ses élèves ?

Premier jour en Master 1. Reconversion. Je m’assoie à un cours de philosophie de l’éducation. Je suis on ne peut plus ravie d’être là. J’ai rêvé ce retour aux études. C’est un choix, je l’embrasse et je le savoure.

À ce même cours, question posée :  » peut on aimer ses élèves ?  »

Réponse formelle officielle : NON.

Réponse officieuse : OUI.

Comment peut-on passer 24h par semaine, parfois plus avec les récréations, les APC, les garderies… Avec ses élèves, découvrir des individus uniques, des parcours, des vies, des rêves… Et ne pas développer une forme d’affection pour eux ?

Ma première kermesse, en fin de stage de M1, je me revoie, un lendemain de soirée compliquée, au bord du malaise et de la gerbe dans ma voiture. Et puis passé la porte de la classe devant ces élèves que je ne voyais pourtant qu’une journée par semaine, électrochoc, me voilà racénérée, émerveillée de ces petits êtres. Et sous le chapiteau du cirque où il faisait 1000 degrés, être en admiration devant chacun d’eux, applaudir leurs réussites sans mentir.

Ça m’a rongé parfois. Demander à mon conjoint de l’époque, au nouveau, si devenir famille d’accueil est envisageable, histoire de sauver certains dans des situations compliquées. Aller faire des dépositions au commissariat. Rencontrer des familles. Consoler des parents en larmes.

Il faut une distance certaine entre les élèves et l’enseignant. Et pourtant. Et pourtant lorsque mes anciens de maternelle m’enlacent la taille quand ils me croisent, c’est comme si je ressentais une énergie jaune, leur ondes, remonter dans tout mon corps. Et s’ils le font, c’est que cela leur fait du bien également.

Et pourtant quand une élève font en larmes quand les problèmes de la maison ressurgissent dans sa tête et viennent polluer la classe, qu’elle attrape ma main et la serre très fort, je sais que mon accolade est la réponse adéquate.

Et pourtant. Quand certains ont des crises de colères, de trop plein d’émotions. Il est nécessaire d’établir un contact physique. Parfois juste une main sur l’épaule suffit. Pour certains plus petit, être portés, câlinés est une nécessité.

J’ai le sentiment que ma ride du lion se creuse dangereusement depuis que j’enseigne. Je travaille de mieux en mieux la voix qui vient du ventre. Je passe mes journées à froncer les sourcils, crier/parler fort, perdre patience parfois, quand j’ai l’impression d’être un grotesque perroquet.

Je vois souvent en moi tous les travers de la maîtresse de cm que je ne voulais pas cumuler. Je déplore mes limites, mes failles.

Et pourtant. Même si j’ai l’impression d’être plus aigris, grincheuse et autoritaire, les enfants retiennent beaucoup plus mes sourires, mon imitation de Mario et Luigi, mon naturel à faire beaucoup d’humour et de second degré, certaines leçons un peu théâtrales.

J’ai l’impression parfois d’être exigeante avec eux. Et me voilà surprise qu’ils préfèrent faire l’étude dans la classe avec moi à travailler plutôt qu’à la garderie où ils peuvent jouer.

Travailler avec des enfants, des groupes d enfants, aux éducations et caractères bien différents , c’est épuisant.

C’est aussi d’une richesse sans nom et ponctué de petits shoots de bonheur.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s