21/09/2015 Jour 12
Le repas de la veille s’est déroulé dans une bonne ambiance. Nous avons sympathisé avec une montréalaise en vacances et l’une des bénévoles de l’Auberge. Nous avons goûté à un dessert Crispies au riz soufflé et shamallows.
Ce matin, nous changeons de chambre, avec des lits plus grands et une vue sympathique sur la terrasse aux lampions festifs et où un vieux bateau repose. Parfait. Ciel bleu sans vent ce matin. Mission courses pour la semaine. nous optons pour un pique nique ce midi et partons randonner sur les deux petits chemins et la côte. Magie. Se retrouver perdues au milieu des conifères, surplomber la verdure et apercevoir au loin le fjord et le bleu du Saint Laurent. On se pose sur un espace rocheux entre les arbres et profitons du soleil et de la vue. J’aime ma vie et je suis heureuse d’être là. Aussi simple que ça. Nous poursuivons la randonnée allant de surprises en surprises. Le port, les fjords, le village de 200 habitants. C’est tranquille, reposant. Une semaine de vacances à l’intérieur des vacances.
Nous passons du temps au centre d’interprétation des baleines. Et oui ce sont ces belles demoiselles qui m’ont amenée vers Tadoussac. Le lieu est très bien agencé, organisé. C’est ludique. Nous finissons la journée sur une roche qui plonge directement dans le Saint Laurent, il faut veiller serrer les abdos et se cramponner. Je manque d’ailleurs de me retrouver dans le fleuve lorsque mes chaussures glissent sur la
roche mouillée.




Moment suspendu. Nous savourons. Une petite méditation partagée. Nous ne la nommons pas comme cela sur le moment. Rétrospectivement, je pense que ces moments de retour à soi et au paysage, à la nature, sont des formes de méditations. Le bien être est présent.
C’est sur le départ que le miracle se produisit. Romane s’exclame. Un rorqual commun a bondi. A mon tour je scrute la surface de l’eau et aperçois cette masse gigantesque qui s’élance dans vers le ciel et retombe en éclaboussures. C’est inoubliable. Je suis en haleine, essoufflée et bouleversée de cette chance extraordinaire. Les baleines m’ont toujours fascinée, ce n’est que l’accentuation de cette fascination.

Nous rentrons dans notre paisible auberge après avoir observé le coucher de soleil.
Tadoussac 22/09/2015 jour 13
La baleine d’hier reste en moi. C’est ce qui me vient en tête dès mon réveil. Son saut dans le reflet étoilé du soleil sur le Saint Laurent. C’est un privilège qu’elle nous a offert. Vision que j’immortalise en photographie mentale pour ne jamais l’oublier.
Ce matin, cette image en tête, j’écoute l’auberge se réveiller. Mes sens sont en alertes aux bruits et aux odeurs de la forêt et de la vie en communauté. Petit brunch. Ici, les bénévoles s’en fiche un peu de tout, peu importe si les horaires ne sont que moyennement respectées. On tarde à nous ouvrir la cuisine.
Nous avons une réservation à confirmer et tentons d’utiliser la cabine téléphonique qui se trouve étrangement positionnée dans … Les toilettes.
Arrivée au port juste à temps, sous un ciel voilé. Nous enfilons des pantalons imperméables et de gros manteaux. Nous voilà les dernières embarquées sur le zodiac de 24 personnes. Le ciel se dégage tandis que nous voguons sur le Saint Laurent.

Très vite, nous apercevons une famille de phoques. Romane et moi sommes à la pointe, tout devant l’embarcation, ce qui nous permet d’apprécier au mieux la vue sur les animaux et les vagues. Emerveillement devant ces petites têtes qui surgissent et plongent avec grâce , juste à côté de nous. Je pourrai passer des heures à observer leurs museaux à la surface de l’eau. Beauté gracieuse.
Finalement, nous nous éloignons et entrons en contact avec des petits rorquals. « Petit », pas tant que cela ! 5 mètres tout de même de long ! Un, deux, trois nageoires dorsales fendent la surface de l’eau. L’arrondi de leurs dos lisses et luisant tranchent sur cette mer d’huile. L’œil s’habitue à ces visions élégantes. Soudain, les petits rorquals changent de cap et arrivent… Droit sur nous ! Je pourrais toucher l’un d’eux en étendant mon bras au dessus de l’eau. Je suis sous le charme. Mon cœur se serre. Il contourne le bateau. Je me sens transie dans ce moment d’émotion. Au plus proche des géants de la mer. Le petit rorqual sort la tête de l’eau, comme une salutation, me laissant admirer ses phanes et ses petits yeux. Je me sens au plus proche de la nature, en communion avec ces grands animaux calmes et gracieux, évoluant sereinement dans l’océan sans se douter de l’admiration et du respect qu’ils inspirent par leurs origines ancestrales, leur vie marine secrète et leur gabarit imposant. Nous restons à scruter les eaux pendant un temps que je suis incapable de quantifier.
Le zodiac repart, change de direction et prend une grande vitesse. Nous longeons la côte, pendant une bonne heure. Des marsouins sautent furtivement de chaque côtés du zodiac. La brume des fjords et les nuages sculptés se reflètent dans le fleuve d’huile, donnant un aspect aérien et mystique à l’expédition. Je me sens libre.
Une fois le moteur éteint, la guide nous révèle qu’un coup de téléphone leur a indiqué la présence d’un rare visiteur du Saint Laurent : une baleine bleue.
Le plus grand mammifère du monde est quelque part, là sous l’eau et va bientôt se montrer. Seul bateau de Tadoussac à avoir poussé les moteurs jusque là, aurons nous la chance de voir la belle dame bleue? Le gaz est coupé. Le bateau est en proie au roulis et au tangage. Une attente jouissive plane. Excitation indicible.
« Là!!! »
Soudain, tous les regards se tournent vers le gigantesque jet d’eau de 12 mètres de condensation et la masse bleue imposante de plusieurs fois la taille de notre zodiac. qui viennent casser la ligne d’horizon. La magie opère. C’est un don du ciel. La baleine bleue vit sa vie et nous offre le privilège de l’observer quelques minutes. Elle rejette l’air. Elle respire. Elle vit. Nous l’entendons vivre. La baleine bleue si douce et sereine. La baleine bleue, témoignage de l’époque des dinosaures, juste là devant nous. La baleine bleue, reine marine, juste là. A quelques mètres.
Je savoure cette rencontre, la boule de bonheur au ventre, les larmes aux yeux, la gorge serrée. Je ne saurais pas expliquer ce qui me bouleverse le plus dans cette douce et majestueuse rencontre. La baleine bleue me bouleverse au plus profond de mon être. Elle n’a pas pour habitude d’être là, mais elle est venue aujourd’hui. Presque pour nous. Tout est calme. Tout est respect pour cette belle dame calme.
Elle plonge doucement, pour une dizaine de minutes. Elle garde sa queue dans l’eau. Seulement 18% des baleines ont l’habitude de sortir leur queue en plongeant d’après la guide. L’attente est un doux mélange entre admiration de la vision passée et espérance de prolonger le rêve et la magie de ce moment glacé dans le temps, un moment onirique. La baleine bleue souffle des étoiles dans le reflet du soleil et nous présente son joli dos. Le moment doit être court, pour moi, il est immortel. J’ai comme l’impression d’assister à la naissance de la Terre. Je suis en état de choc. Quand je vois la tête de Romane, je suis heureuse de constater que cette vision semble la bouleverser tout autant que moi. Nous partageons ce moment fort. Il va influer sur toute ma vie. Je ne sais pas comment ni pourquoi. Je le ressens néanmoins. J’ai le sentiment que rien de plus beau et mystique ne peut m’arriver.
Soudain, le ciel s’est dégagé, il est définitivement bleu baleine, le soleil brille.
Le retour se passe dans un silence cérémonieux. Chacun digère cette vision divine. Je regarde les collines de sapins. Mon regard passe de la cime des conifères sur le ras des montagnes, puis s’accroche à une mouette en vol pour finir sur la dorsale d’un marsouin avant de mourir dans le fond de l’eau. Au plus près des baleines. Je pense aux Amérindiens. Je pense aux colons et aux légendes. Je suis fascinée par cette aventure.
Nous finissons de rêver cette journée bien réelle sur les rochers à guetter les bélugas.
Journée parfaite, chance inouïe. Moment magique.
Je me sens tellement chanceuse et privilégiée !
Je suis vivante. Je suis heureuse. Ma vie est belle. Amoureuse voyageuse, vivante et pleine de projets.
La baleine bleue est un merveilleux présage et me donne envie de vivre. Je me sens si ridicule en pensant à mes heures sombres. Je suis soulagée et heureuse de m’être reprise et parvenir à vivre aujourd’hui. La baleine bleue, mon présage, mon signe , mon porte bonheur.
A l’auberge, nous découvrons nos nouveaux voisins de lits superposés, un garçon et une fille. Ils passent leur temps à se plaindre. Personnellement, j’ai comme un filtre entre eux et moi. Trop de beauté pour me laisser atteindre.
Une réflexion sur “Canada 7 – Baleine bleue, Tadoussac, le village des merveilles”