Je ne pensais pas avoir à rédiger cet article parce que d’autres personnes l’ont déjà fait à mainte reprises avant moi. Et pourtant, un de plus n’est peut être pas un mal
Pour ceux qui ne le savent pas, j’ai déjà ruiné une fin de repas de famille dans une de mes anciennes belles familles. Parce que, à chaque visite » quand est ce que vous me faites des petits enfants ? » Et » à quand le mariage ? « deviennent inévitables, pesants et déplacés.
Se questionner si un couple ou une personne souhaitent de enfants, évidemment, c’est convenable, naturel. En revanche il y a des façons de le faire, des limites à respecter.
La formulation de beaucoup de ces questions maladroites me hérisse. Je ne suis pas un ventre qui doit comme obligation ancestrale permettre à mes aïeux ou ceux de mon conjoint d’accéder à la position de grand parents. Non. Mes ovaires m’appartiennent, mon ventre, mon corps, mon choix. « A quand le bébé ? /Quand est ce que » induisent une obligation, marque la temporalité obligé d’un bébé à un moment donné et non la question si oui ou non un bébé en premier lieu.
Et le mariage… Dans cette société où peu croient en Dieu, le taux des divorces atteint des records mais qu’il faut se marier à l’église et faire un emprunt ou ruiner ses parents pour quelques heures d apparat… Non cela ne me fait pas rêver. Attention ! Je suis heureuse pour les gens qui ont profondément envie de sceller leur union par un mariage, et qui le font à fond , jusqu’au bout de leurs envies et leurs idées. J’ai versé ma petite larme et eu des crampes aux zigomatiques à tous les mariages de mes proches et amis ces dernières années. J’étais ravie d’être là pour célébrer leur amour. Juste que, me marier ne m’a jamais vendu de rêve. Et si je le fais, je pense que ce serait une affaire très intime entre mon futur mari et moi.
Et c’est ce côté intime bafoué qui me dérange dans les deux questions. Cela me fait un peu le même effet que si on vous demandait : » alors, cette branlette, quelle puissance préfères tu sur ton vibro ? » Ou bien » de quelle couleur étaient tes selles ce matin ? « . Pas à l’aise ? Moi non plus …
À mon sens, demander à quelqu’un s’il va bientôt avoir un enfant est terriblement indélicat. Pour mille raisons. Parmi les plus évidentes mais pas pour tout le monde :
Il existe des personnes qui ne souhaitent pas d’enfants. Et aucune justification n’est à fournir, c’est un choix , c’est un droit. À ceux qui pensent les non parents sont égoïstes, NON, ce sont des personnes réfléchies qui acceptent pour le bien des enfants qu’ils n’auront pas , de l’humanité surpeuplée, leur propre bien être personnel non négligeable, de ne pas procréer. Et ça c’est beau aussi. Ça s’accueille et ça s’accepte.
L’infertilité, la coquine beaucoup plus répandue que l’on croit rend aussi la question délicate. Peut être que vous ne voyez aucun problème à concevoir sans mauvais jeu de mots l’infertilité, néanmoins la personne qui en souffre peut le vivre comme un échec, une défaillance , s’en sentir coupable vis à vis de son ou sa partenaire, avoir du mal à accepter. Cette personne veut peut être désespérément des enfants et règle sa vie autour de la conception d’un bébé et pleure tous les mois quand les règles et la déception frappent à la porte.
La maladie. L’infertilité a aussi pas mal de copines qui pourraient transmettre de mauvais gênes aux foetus et assurer une vie bien compliquée, si ce n’est un enfer aux porteurs. Alors , en connaissance de cause, certains renoncent à procréer pour ne pas transmettre des maladies génétiques graves. Il y a aussi les maladies mentales, qui entraînent des traitements lourds qui peuvent être nocifs pour le fœtus. La maladie mentale peut ne pas mettre la personne voulant devenir parent dans une situation propice. L’envie peut être là, mais la capacité et les conditions non.
La PMA. Dans les deux cas cités au dessus, d’autres décident de se faire assister pour faire un pied de nez à la nature et passent par des inséminations, des fécondations in vitro… Et là aussi, la charge est lourde. Et la déception est tellement cuisante devant tous ces efforts et ces concessions, que répondre à » c’est pour quand le bébé ? » devient impossible. 30% de réussite pour une fiv. Des procédures longues et lourdes au niveau du travail sur les hormones, des prélèvements, des voyages à l’étranger… De la fatigue accumulée, des démarches, des émotions et une simple question vient faire déborder maladroitement le vase.
L’argent peut être un réel problème. Et le français pour qui parler salaire est tabou devrait savoir que c’est difficile de reconnaître » j’ai tellement un salaire de m***** / je suis si nul à gérer mon argent … Que je ne peux pas me permettre d’ajouter la responsabilité d’un enfant dans ma vie » .
De la même manière que vous ne demandez pas à une personne chauve quand est ce que ses cheveux repoussent ou à un unijambiste « à quand le marathon de Paris« , que vous ne demandez jamais non plus « je peux voir ta déclaration d impôts » aux gens quand vous les saluez ni « vous préférez la levrette ou l’amazone ? » (Même si je suis d’accord, pourquoi choisir) , alors s’il vous plaît, par égard pour les êtres humains en face de vous, ne brandissez pas à tout va les » à quand le bébé ? » injonctifs qui remuent bon nombre d’estomacs et de méninges chez les personnes qui se sentent agressées par ces questions intimes qui renvoient à trop de problématiques diverses dont on n’a pas envie de parler au détour d’un café ou d un repas de famille.
Cette injonction est lourde sur les épaules des uns comme des autres.
J’aime les enfants. Je suis enseignante. Ils mettent tellement de saveurs dans ma vie. Et ce ne sont pas les miens. J’ai des voisins, des cousins , des enfants de tout âge et de tous horizons que j’apprécie avoir avec moi, discuter avec eux, les éveiller au monde, écouter ce qu’ils ont à dire, partager de bons moments et des expériences avec eux. Essayer d’être l’adulte que j’aurais aimé croiser à leurs âges. Je sais et je mesure le bonheur d’avoir des enfants. Je visualise très bien aussi la force , la responsabilité, la contrainte et l’engagement envers eux. Faire des enfants, aussi » beau » que ce soit reste un acte égoïste avant tout. Un acte que je ferai peut être un jour. Ou pas. Pour toutes les raisons du dessus. Et d’autres encore peut être.
« A quand le bébé? » et » quand est ce que vous me faites des petits enfants / neveux … » Laissent à penser que nous ne sommes pas assez en temps que personne, et qu’il FAUT absolument se multiplier pour être à la hauteur des attentes des autres, de la société. Ça touche des blessures et des traumas qui n’ont pas besoin d’être titillés. Non, on n’est pas nuls tant qu’on n’a pas d’enfants.
J’en entends déjà certains » oh mais t es susceptible aussi ! On ne peut plus rien dire ! »
Si , on peut dire beaucoup de choses. On peut aussi faire attention aux êtres humains en face de soi . Et , si j’écris un article de blog, c’est parce que je supporte ces questions maladroites et ces jugements de valeurs sans agresser en retour les personnes souvent bien intentionnées qui ne voient pas le mal. Je retourne ma langue et j’apprends à travailler sur mes émotions. Néanmoins, je sais que je ne suis pas la seule pour qui ce sujet et ces questions sont irritants et, si chacun fait un peu attention aux autres , le monde s’en portera mieux. Les uns apprennent à ne pas se vexer ou travailler sur leurs émotions disproportionnées mais néanmoins valides et légitimes, les autres apprennent à se mettre à la place des autres et c’est un effort mutuel pour de meilleurs relations et un mieux être général.
J’ai la chance d’être entourée dans ma famille comme ma belle famille de personnes ouvertes et respectueuses qui ne s’aventurent pas sur ces questions. Qui ont même déjà remis d’autres personnes qui ne jurent que par le sacro saint » il faut que tu aies des petits enfants » par un » tant que nos enfants et leurs conjoints sont heureux , c’est tout ce qui m’importe, ils feront des enfants s’ils ont envie et sinon tant pis, leur bonheur avant tout » . Et pour ces paroles, merci merci merci.
A quand le bébé ? Non, a quand votre thérapie ? Ça vous choque? Ça ne devrait pas … Nous avons tous des traumas, des blocages, tous des défauts et des choses à mettre en lumière, à comprendre, accepter pour être de meilleurs êtres humains. Autant avoir des enfants implique d’autres vies qui devront se débattre dans ce monde, suivre une thérapie apaise sa propre existence et permet d’entrer en meilleure relation avec les autres au contraire. Un bébé n’est pas un pansement. Étrangement ce sont souvent les personnes pleines d’idées arrêtées sur les enfants qui se braquent le plus sur le suivi psychologique et normaliser de parler de psychologie et de santé mentale , alors qu’avoir des enfants sans régler ses propres problématiques ne donne que l’illusion d’avancer et peut handicaper dans certaines mesure les enfants qui absorbent comme des éponges tout cela.
Oui, j’en ai gros sur la patate pour toutes les personnes que je connais qui luttent et qui se débattent avec cette pression de la maternité et de la parentalité. Oui, pour moi aussi c’est un sujet difficile et je n’ai pas forcément envie de donner des détails ou de me justifier.
Aux âmes compréhensives, merci, à ceux que cet article éclairent, merci, pour ceux qui ne comprennent pas, je suis désolée de ne pas parvenir à mettre les mots sur ce qui tombe sous le sens pour moi.
Je t’avoue que je n’ai absolument jamais compris cette question que je trouve intrusive et irrespectueuse quand elle est réitérée…
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