Entre Thunder Bay & Winnipeg Jour 40 12.10.15

J’ai passé mon dernier jour à Toronto à travailler. Nous avons vu la tour de nuit, toute de rose vêtue. J’ai échangé avec le serveur du Subway, me surprenant à alimenter la conversation malgré ma fatigue. Les trois jours de bus commencent. Je passe la journée à travailler encore. J’assimile les notions, je m’approprie le text d’examen. J’y reste jusqu’à 23h. La nuit est étrange. Je me contorsionne pour trouver ma position, emmitoufflée dans mon châle, playlist dans les oreilles. Je n’ai pas été prise pour le poste auquel j’ai postulé, mais ils souhaitent me rencontrer pour m’en proposer un autre à mon retour. Je ne crie pas victoire avant d’avoir les détails mais j’ai bon espoir. ( SPOILER: j’ai trouvé autre chose , je ne les ai pas rencontrés). Je m’endors de 3h à 8h du matin d’un sommeil profond malgré la position et la route. Quand j’ouvre les yeux, les premières lueurs du jour pointent sur la végétation orangée, un paysage légèrement valloné et des lacs à foison. C’est magique. Iréel. Je me réveille de suite et savoure ce que je ne peux photographier qu’avec mes yeux. Le calme, les gens somnolent autour, et la nature en mouvance. Sur les coups de 13h, j’achève mon devoir de civilisation. Il est inégal. Trop court, truffé de fautes mais grâce à l’aide de Julien, je sais que je peux l’améliorer. Et puis, je suis fière d’avoir repris et d’avoir sorti ce commentaire, aussi nul soit il, sans avoir le niveau, ni suffisamment étudié, et rédigé dans un bus pendant un trajet de 3 jours. Dans tous les cas, j’ai eu la droiture de le faire, l’audace d’y croire. Etudiante par correspondance sur le point de trouver un job en itinérance au Canada au milieu des arbres en mutation. Je me sens bohème romantique, rebelle. Vivante et accomplie. Je me suis prouvée beaucoup de choses ces dernières années. Renaissance. J’espère poursuivre dans cette voie.
Les arbres, la roche, et les lacs défilent. Je ne suis jamais rassasiée de ce paysage. Bientôt au coeur de la nature à Jasper, rando à gogo.
Je rentre dans 19 jours, c’est proche et loin à la fois. Le présent. Le temps s’étire, s’étiole et se transforme. Nous avons grandi en 2 mois. Je relativise. Je profite
La vie est une belle aventure.

Jasper 14.10.15 Jour 42 Le bus arrive à 5h du matin à Jasper. Après 3 nuits dans un bus, 3600km, nous stoppons la progression en plein milieu de nul part, dans une ville asceptisée aux allures de Disneyland vide. La gare routière, les commerces, tout est fermé. Le froid est mordant. Nous nous réfugions dans des toilettes publiques deux heures durant. Je revois la tête surprise du technicien de surface, découvrant deux jeunes filles en sac de couchage sous les lavabos. Nous atterissons dans une boulangerie sympathique arborant des citations de Yoda . Nous entrons de nuit, en sortant, la montagne me frappe avec violence. J’avais oublié. Je ne me figurais pas ce décor. Quelle beauté, quelle majesté ! Nous attendons une navette qui n’arrivera peut-être jamais. Le pick up traverse le parc vers l’auberge. 6 orignaux bordent la route. Je suis émerveillée de ces grands animaux paisibles. Le dortoir est grand, les 27 lits s’étalent sur tout l’espace. La douche est une bénédiction après ses derniers jours de toilette sommaire en station service.
La sieste me repose. Je mange avec vue sur les arbres et les monts enneigés. Je crois rêver. Cette nature brute me transporte. Balade en ville avec Solenne, française étudiante à Montréal, et Jackie, Australienne en vacances. Je trouve enfin mon écharpe canadienne et un bonnet, plus que les gants. Total look.
15.10.15
Le réveil est obligatoire avec l’allumage automatique des chambres à 8h. C’est émerveillées que nous petit déjeunons face à la baie vitrée, vue sur les arbres dénudés et la montagne parée de son duvet blanc. La grande cuisine ouverte aux diverses plaques de cuissons, les grandes tables et la lumière de la salle commune me sont agréables. Un immense chalet où nous trainons enveloppées dans nos châles avec nos tasses de thé, comme à la maison. Au milieu de la forêt.
Nous sortons chaudement habillées avec Solenne dans ce cadre, très « Into the wild ». Il a gelé cette nuit. Tout est blanc et étoilé de givre. Nous remontons la oute déserte en sachant qu’un cervidé, un ours ou un loup pourrait traverses à tout instant. C’est magique. L’air froid brûle les narines. Le tramway skyline me rappelle les télésièges et les oeufs en station de ski. A peine la cabine gravit quelques mètres que les sapins, les lacs, la chaine de montagne s’offrent à nos yeux ébahis. Nous guettons la faune, l’étendue des paysages sans obstacles, la neige. Je crois rêver.

Breathtaking.
Il n’y a pas de mots pour décrire à quel point je suis bien. C’est beau. J’aime le crissement de la neige sous mes pas, la chaleur de la laine, l’odeur du froid.
Nous entamons l’ascension d’une petite heure vers le sommet. Tout est calme, ça glisse. La montée est sèche, le souffle me manque. Une fois arrivées, je suis tellement fière et satisfaite de la vue. Nous sommes en pleine toundra comme un paysage lunaire entre herbes marrons et tâches de neiges éternelles. Je suis étonnée du silence environnant. Un silence lourd, reposant et immense à l’image de tout ici. Je ne m’attendais pas à toucher de la neige. Je me sens vivante. Faire le plein de liberté, d’immensité. Se sentir privilégiée de cotoyer ces sommets. Nous nous baladons toutes les trois , profitant à notre guise de ce spectacle époustouflant. Envie de laisser ma trace. Nous écrivons nos prénoms et l’année dans les neiges éternelles du Mont Whistler. La photo est représentative.
La descente est plus aisée. L’après midi, nous arpentons la discovery trail autour de Jasper, 8 petits kilomètres. La magie opère encore. Nous nous retrouvons face à un cerf à queue blanche, couché dans un rayon de soleil, à seulement quelques mètres. Nous pensons que c’est un wapiti. Nous avons un peu peur de sa réaction à notre arrivée. Je le filme mâchonnant son herbe. A peine remises, un second cerf se dresse devant nous, plus vieux, avec des bois imposants. Je réalise qu’il a le pouvoir de nous embrocher. Nous nous observons une éternité avant qu’il ne se désintéresse. Nous avançons, le cerf évoluant à nos côtés. Marcher dans une forêt mystérieuse, avec un cerf est un moment unique. Mystique. Nous sommes des princesses dans un dessin animé à parler aux écureuils, marcher avec les cerfs, saluer les baleines et une chance inouïe depuis le début du voyage.


La soirée est tranquille, je travaille mon commentaire en espérant finir samedi avant de quitter Jasper pour être tranquille les derniers jours.
Jasper 16.10.15
Nous prenons le temps ce matin et décidons de ne pas prendre le taxi pour rejoindre les sentiers de randonnée, autant le faire directement à pieds. C’est excitant de quitter l’auberge à pieds, marcher sur cette grande route vide; dans les traces des wapitis sur le bas côté, guetter la faune, discuter des bienfaits du périple. 4/5km jusqu’à l’intersection. Nous rejoignons la rivière Athabasca. La vue est comme dans les films du grand ouest sauvage et montagneux. Des sapins et des montagnes à perte de vue. Des dégradés pastels. Mon film. Le paradis doit ressembler à cela s’il existe. Un endroit sauvage et immense où tout ressemble avant l’Homme. J’imagine les esprits de la nature, la vie en harmonie des natifs avant la colonisation. Un monde sauvage pur. Je rêve. Longer la rivière frémissante où le soleil brille et les montagnes se reflètent en parfait miroir, les sapins majestueux. Les écureuils nous appellent. Thérapie de la nature. Il est aisé d’être heureux et d’exister tout simplement ici. Nous avons cheminé 10 bons kilomètres en arrivant au lac Beauvert; Traversé déjà de plusieurs types de décors, du jaune au vert , du rocheux au bleu de l’eau et du ciel assorti. Un siège en bois rouge , nous pique niquons chacune sur son siège confortable face au lac, la montagne et son reflet. Je suis submergée. De beauté, de bonheur, d’émerveillement. D’émotions en bataille. ça cogne fort dans mon coeur. Le cliché est difficile à réaliser. Seules dans la nature, guettant des empreintes. Evaluer tel des trappeurs l’origine. Je suis surprise du peu de mesures outre la prévention concernant la rencontre avec les grands animaux, en particulier ours et grizzli dont nous pouvons voir les empreintes. Face à un wapiti qui surgit, que faire s’il est à moins de 30m? Et un ours?!



Nous poursuivons vers le Lac Annette. Déchaussée et exténuée, je me demande toujours quoi faire si un ours surgit. Le décor est propice au repos et à la méditation. Il ne faut pas tarder pourtant, 10km encore et la navette à ne pas manquer. Les 5 derniers km sont les pires . Les musclent crient au scandale, il fait chaud, la fatigue se fait sentir. C’est à bout de force et fières que nous atteignons le point de rendez-vous. Lorsque la voiture arrive, la conductrice nous demande choquée « Is it a bear?! » (est-ce un ours? ») Et, surprise, oui ! Sur les rails, à seulement quelques mètres , un gros ours noir repose sur son derrière. Depuis quand est-il là? L’arrivée d’un train le déloge, nous n’avons pas le temps de le photographier. J’avais écris sur une carte postale que nous allions peut-être voir des ours, mais je ne pensais pas que ce serait possible, encore moins en plein ville!
Journée de repos après celle de la grande randonnée. Dernier jour à Jasper très calme.
Pour le départ, la journée commence à 6h du matin avec la rencontre d’un couple de Wapitis aux bois gigantesques à moins de 10 mètres de nous. Nous posons nos sacs dans la soute et un bruit de sabots nous amène à nous retourner pour nous trouver nez à nez avec le duo d’animaux qui passent dans les phares du bus. Magie. Je n’ai pas l’appareil photo mais je garde en mémoire le froid, le pelage luisant, les sabors sur le bitume et la grâce des muscles. Cerfs, wapitis, ours, je ne réalise pas.



Arrivées à Calgary un magnifique australien et son ami asiatique viennent nous parler. Nous sommes fatiguées , j’ai un bout de sandwich dans les dents et des épis de ma sieste dans le bus . ça n’empêche pas notre ami Ben , l’australien de s’assoir à côté de moi dans le bus ! Il est pisteur d’avalanches, a fait 10 mois de backpack en Europe… Arrivées à Banff, il me propose qu’un ami nous dépose en voiture, mais l’hotel est vraiment proche. Il me demande mon facebook. J’ai peutêtre une chance de jouer les entremetteuses! Malheureusement, il travaille et ne pourra revenir à Banff. Je tombe sur sa photo de profil : looping en ski… Nu ! Etrange mais très sympathique rencontre.