

Jour 29 7/10/2015
Elles sont vraiment grandes ! J’avais peur d’être blasée, mais ce n’est pas le cas. Je suis sans voix. Nous ne trouvons pas les mots. Et plus nous nous approchons, moins nous nous habituons à ces eaux impétueuses, ce bleu, ces nuages de vapeur d’eau. Arrivées à l’arc de fer à cheval qui tourne autour du tourbillon montant au ciel, nous sommes vraiment sous le charme des chutes du Niagara. Difficile de réaliser la chance que nous avons de nous tenir là.
Nous avions vraiment besoin d’un retour à la nature, un choc naturel comme celui ci pour reprendre l’enthousiasme et la découverte après Ottawa et Toronto plus grises que les autres aventures. Nous avions besoin de la nature. Jusqu’à la nuit, nous airons dans le mini Las Vegas qu’est la ville de Niagara. Très rétro pour ne pas dire Kitch, atmosphère d’un parc d’attraction désuet. C’est drôle de voir ces constructions « entertainment » passées. Nous préférons retourner aux chutes. D’abord éclairées aux couleurs du drapeau américain puis canadien, elles prennent les couleurs de l’arc en ciel à la nuit tombée. C’est féérique. Nous sommes des princesses au pays des Bisounours. Peu de gens, moins qu’en journée et ce spectacle naturel sous nos yeux. Nous profitons de l’instant et prenons notre temps avant une grande marche nocturne en montée pour reprendre place dans nos chambres. La nuit est fraîche, le réveil difficile, comme d’habitude.
Nous prenons un bon petit déjeuner et retournons aux chutes pour la balade en bateau. C’est de rouge vêtues dans le coupe pluie de la compagnie que nous embarquons. Les « petites » chutes côté américain semblent bien plus violentes et rocailleuses de près. Nous commençons à être humides et je regrette de m’être maquillée ce matin. Je vois les remous sur l’eau et l’écume. Le vert sur la roche, de la mousse en formation et déjà bien incrustée, les roches émergentes aux angles tranchants et les mouettes en vol. J’ai l’impression de me retrouver dans le Jurassic parc et de découvrir un monde perdu. Lorsque nous arrivons dans le tourbillon, le volcan de vapeur qui monte à des dizaines de mètres. Je suis trempée. C’est apocalyptique. L’engloutissement de l’Atlantide pour de bon. Et nous sommes tout près du fer à cheval, sous ces chutes d’eau sans merci. Je photographie le moment dans mon esprit. Je suis sous les chutes du Niagara. Le voyage de toute une vie pour certains, l’aboutissement ultime qui n’est qu’un début pour moi. Beauté de l’instant.
Nous rentrons légères de ce vécu, les jambes lourdes sur la route. J’ai besoin de repos. Dernière journée à Niagara Falls. Nous allons faire le marché sur la passerelle recommandée dans le Lonely Planet sans vraiment nous renseigner. C’est excitant de se laisser porter sans savoir. Nous prenons l’ascenseur pour arriver au niveau de la rivière. C’est un endroit où le sol descend et où la rivière cours de 49 à 109 km/h. Le ciel bleu, la roche, les arbres jaunissant et ces écumes en rafales sont magnifiques. Nous restons longtemps, là, hypnotisées par les embruns, les vagues s’entrechoquant et bondissantes, telles une horde de chevaux au triple galop, crinière blanche au vent. Je pense à la puissance et à la beauté de la nature. Je pense à chaque personne de mon entourage et tente par télépathie de leur communiquer la magie de l’instant, ces images et mes ondes positives.





Nous échouons au sous sol de l’auberge, sur le tapis avec coussins et pilou devant un DVD d’un de mes dessins animés d’enfance « Charlie mon ange gardien / all dog go to heaven ». L’attente jusqu’à la prise de la route est longue. Nous avons fait notre temps ici. J’apprends que j’ai 2 semaines pour rendre un devoir de 8 pages en anglais de civilisation. Je ne pensais pas avoir un si gros devoir avant mon retour. Le texte me pétrifie. J’ai peur de ne pas avoir les capacités, ni le temps. J’ai envie de pleurer , l’impression de déjà avoir gâché mon année, qu’on ne me laisse même pas l’opportunité d’y arriver. En réalité, c’est moi qui ne me la donne pas.


Le trajet jusqu’à Toronto est rapide, sous la pluie, en musique douce. Je regarde mes photos et je constate combien ma vie est heureuse et bien entourée. Tout me réussi, souvent. Les faux pas et les errerus ont donné naissance à de plus belles aventures encore et je suis fière de ce que je suis. J’apprécie ce journal public de ma vie, trace de mes moments de vie.
L’arrivée à Toronto n’est pas celle que nous attendions. Au bus , le « bagagier » nous dit que le trajet jusqu’à Sudbury ne se fait plus depuis le 10 septembre. Nous rentrons dans la gare en quête d’informations. Le guichetier, roux à la peau translucide nous explique que nous n’aurons qu’un seul bus à ne pas manquer… Le 11, soit dans 3 jours ! Il nous suggère de retourner à Niagara Falls ou rester à la maison.


« _ Where is home? ( Où est la maison? )
_ Home is France. ( La maison est la France)
_ OMG ! ( Oh mon Dieu)
ses yeux s’écarquillent et s’affolent sur son écran. Il ne trouve pas de solution et lâche horrifié :
_ I can’t believe this is happening ! ( Je ne peux pas croire que c’est en train d’arriver.) »
Nous non plus.
Le supérieur arrive et semble tout aussi confus. Il nous remplace gratuitement nos billets et nous offre le Jasper/Banff que nous n’avions pas encore acheté. Ce n’est que 30$ et ça n’amortira pas les trois jours intempestifs ici mais c’est déjà ça. Ils appellent une auberge de jeunesses pour nous, 2 petites françaises seules, freinées dans leur périple à 1h du matin, ça les panique un peu! Nous hélons un taxi avec tous nos baggages. Le receptionniste de l’auberge est très serviable et conciliant. Deux places dans un dortoir de 10. Nous restons en bas pour trouver un hôtel pour le lendemain. Ne trouvant rien de concluant, je m’écroule de sommeil à 3h.
Nos recherches ne sont pas meilleurs au réveille. Toutes les auberges sont complètes. Les hôtels aussi , qui plus est très chers. Ici, ce sont les vacances scolaires pour les canadiens. Tout est pris d’assaut. Nous réservons à la dernière minute des sortes d’appartements dans China Town, très très mal notés sur internet, mais c’est notre seule option pour éviter de passer 2 nuits dans la gare routière ( difficilement envisageable avant 3 nuits en bus et 5 en dortoir de 27 personnes). Nous nous y rendons et nous arrêtons au Second Cup à quelques minutes en attendant le check in. Nous apprécions plus ce coin de la ville. Les gens sont moins glauques, le quartier plus tranquille. Nous sommes productives. Je fais mes comptes. Je suis soulagée. Nous bouclons une auberge à Vancouver. Je fais mes virements , mes listes de date d’examens, le planning du retour… Et ma lettre de motivation pour un service civique sur mesure au retour. Pleine de projets, je me sens vivante ! Contente de provoquer le destin. Diplômée, le Togo, le Canada, un copain, un appart, acceptée en L3 d’anglais, belle revanche. Je suis boostée. Ce retour à Toronto me semblait nécessaire, pour me faire mieux aimer la ville, un incontournable du voyage. Nous aurons un meilleur souvenir d’elle.
Dans une entrée encombrée, de vieux meubles, un panneau sur le téléphone et le numéro à composer. Le propriétaire arrive, très gentil. Nous avons un petit appartement étrange, pas très propre mais nous allons nous accommoder. Un lit dans une cuisine et une salle de bain attenante.
Direction le cinéma. Peter Pan. Les références au Canada, au natifs, font que nous devions voir ce film ici. Un bon moment à Toronto.
