La route du retour vers Québec est aussi belle qu’à l’aller et pour moi source de réflexions. Je suis enrhumée et n’ai pas la tête à travailler. J’écoute ma musique et contemple le paysage le long du Saint Laurent. Les feuilles sont moins vertes et commencent à briller d’un jaune orangé. Je suis mélancolique de quitter le fjord qui désormais est un peu le mien. Je me sentais chez moi au cœur de cette nature sauvage et paisible, à l’auberge Roots et hippie. Je dois continuer à profiter de la vie et m’accepter comme là bas. C’est un peu le cœur serré que je regarde pour la dernière fois les vallons.
J’ai le cœur léger et ému à la vue de ces couleurs d automne se reflétant dans le bleu de l’eau. Le bleu et les oranges me semblent oniriques.
Le bonheur, c’est un dégradé de bleu rehausse d’orange, de jaune et de vert.
Into the wild. Je suis stable au beau fixe.
Couleurs en mouvance, sur les notes de rock et de ballades m’apaisent, face à un poil de maturité gagnée. Je suis dans le présent. Des centaines de photographies mentales pour les jours lointains. Je colore et orchestre mes souvenirs, d’une texture unique et inoubliable.
Chance – privilège – volonté – liberté
Je veux les garder, me les approprier et qu’ils me définissent. Je veux positiver. Et avancer. Prendre les opportunités qui se présentent, forcer un peu le destin et prendre le meilleur de chaque tournure d événements.
Nous sommes échouées sur l’herbe, boulevard Laurier en attente de covoiturage. Greenday dans les oreilles, un livre que j’aurais pu écrire à la main tant le style et les thèmes me parlent. J’ai mon sac dans le dos en guise d oreiller, le ciel bleu et les feuilles oranges au dessus de ma tête, les rayons du soleil et je me sens terriblement bien.
J’aime ma vie et ma liberté. Je n’arrive pas à décrire ce que ce voyage jour après jour provoque. Je m’améliore et c’est tout ce qui compte.


Notre chauffeur : Michel, 56 ans, militaire, cuisinier, écrivain… Et Marie-France fonctionnaire de la cinquantaine se font la conversation sans nous. C’est intéressant d’entendre l’opinion de vrais québécois sur l’indépendance du Québec, les difficultés de passer de cette région à une autre… Les gens dans cette voiture semblent suivre de près la politique et les avis me semblent tenir la route. Notamment sur l’immigration, la laïcité. On parle même légalisation de la marijuana! Tous les sujets sont abordés. Monsieur coche madame pour se défendre contre les abus de son patron. J’aime beaucoup son discours. Encore une fois, ce trajet me montre des signes et éveille en loi des projets et des certitudes. Simon et Garfunkel passe à la radio.
L’arrivée à Ottawa marque la fin du Québec Francophone, la fin des beaux jours et le début de la fatigue, du rhume. Il y a l approche d’halloween aussi.
C’est un peu plus loin que prévu que Michel ous dépose afin de faciliter nos déplacements, trouver le bus qui nous mènera à la maison que Brian et Jamie, 2 anciens clients de Romane nous prêtent gracieusement
Il est 21h, la nuit est de plomb, la lune presque pleine. Personne ne traine dans le quartier. Nous décidons de demander conseil pour le bus à l’Auberge de jeunesse non loin de là… dans les bâtiments d’une ancienne prison. Romane aperçoit des tâches sur les marches du pont que nous traversons, probablement du sang. Des poubelles dans un coin pourraient abriter un Jack l’éventreur et nos futures dépouilles violées et mutilées.
Trajet de bus. La lumière bleutée et jaunissante éclaire mal les visages blafards des quelques passagers aigris. Nous descendons dans un quartier aux belles maisons de caractère typiquement américaines. Arrive une grande maison de type manoir avec un balcon , une tourelle centrale, une grille imposante avec un vieil écriteau et un porche proéminant où veillent deux chiens en pierre. Le jardin semble héberger des pierres tombales. Nous avançons dans la rue en riant de ce décor de mauvais film d’horreur. La maison suivante est garnie de citrouilles sur le paillasson. Ce n’est pas encore la bonne. En regardant le numéro, force est de constater que nous avons trop avancé et que nous allons séjourner dans le fameux manoir hanté. Les ombres donne l’impression que le chien en pierre est vivant, prêt à bondir. La porte grince dans un gémissement interminable. Voilà que la bande son du film d’horreur se met en place. La lumière sur le guéridon de l’entrée est anormalement allumée dans cette maison vide. Nous découvrons une demeure en enfilade de pièces et tout en recoins dans un genre royal chic. Les boutons, le papier peint… La tête de gargouille dans la cheminée, les tableaux qui nous dévisagent. Tout ressemble à un film d’horreur et l’obscurité à chaque nouvel étage visité est réellement effrayant. L’une des chambres contient même un squelette décapité ! Le crâne me fixe. J’ai peur de l’esprit qui rôde dans cette maison. Nous convenons d’un commun accord de dormir dans le même lit, dans la chambre la plus sympathique. Nos projets d’indépendance et de profiter de l’espace s’est réduit en peau de chagrin à mesure que nous visitons l’endroit. La chambre rassurante en question, vert d’eau « girly » avec petite salle de bain. Un mini studio dans la maison. Parfait. Je tombe de sommeil.





Le réveil est plus doux que l’arrivée. Reste néanmoins sous le thème du gris et d’Halloween. La maison est beaucoup plus accueillante et chaleureuse en plein jour. il a plu durant la nuit, le ciel est gris et lourd « bas comme un couvercle » pesant sur Ottawa. Les branches à la fenêtre n’ont déjà plus de feuilles. C’est agréable de ne pas être pressé par les horaires du petit déjeuner et du check out pour une fois. Dormir, petit déjeuner et se doucher tranquillement. Nous visitons le jardin, encore en pyjama et nous tombons nez à nez avec la voisine. Pensant qu’il s’agit de Tony ( et Bob), les voisins de Jamie et Brian que nous devons contacter, nous allons à sa rencontre. Elle est gentille. Vietnamienne expatriée. Un doute plane sur la date de notre arrivée. Je m’étonne que la lumière dans l’entrée soit restée allumée la nuit dernière si nous n’étions pas attendues. Nous allons frapper à la porte des autres voisins, en quête de Bob et Tony.
Il y a des écureuils dans tout le quartier, des noirs charbons. Nous attendons le bus sur un trottoir vide. Les corbeaux croassent vilement autour de nous. Une ambiance sombre engourdit Ottawa.
Heureusement, le bus qui nous rapproche du centre nous amène vers la vie, les commerces. Le ticket lui même ressemble à celui d’un manège.
