Rétrospective 2014
Pulsion de vie. La dépression 2011 m’a profondément marquée. J’ai l’envie de l’acter. Janvier 2014, rechute. Tentative de suicide, appel à l’aide. Je ne remercierai encore jamais assez les personnes qui sont intervenues ce soir là, et mes parents d’être venus. D’avoir vécu ça comme ils ont pu.
Après la pulsion de mort donc, pulsion de vie : Alive sur mon poignet, à l’endroit des cicatrices.
Dans la foulée, je tombe sur un dessin inconnu d’une boussole, avec une ancre marine et une colombe. Je veux ce dessin sur la hanche, on me conseille plutôt sur l’omoplate. C’est parti !
Retour du Togo, pulsion de vie encore plus forte, envie d’ancrer par l’encre cette expérience significative : Carpe Diem sur les côtes avec des feuilles, dont une en forme d’Afrique.
C’est un ami de l’époque qui me tatoue. Je ne regarde pas ce qui se fait ailleurs. Je ne regrette pas mes tatouages. Ils font partie de moi. En revanche, j’aurais dû m’attarder sur la qualité du tracé, de machine, demander des exemples de dessins et du travail avant de confier ma peau. Les traits sont épais, la colombe a des ailes trop petites, le tatouage des côtes est en relief et encore plus large que les autres. J’aimerais du plus fin.


Pas de photo du 3ème… l’endroit n’est pas simple, à la fois visible et invisible sous le bras sur les côtes. Il y aura sûrement photo avant recouvrement. Si recouvrement.
Expérience 2022
Le travail fin et appliqué, je l’ai trouvé chez les frères tatoueurs dans le cœur des Alpes Mancelles. Il faut emprunter des petites routes de campagne, se perdre dans les méandres verts du paysage avant d’arriver à ce qui ressemble à une cabane de pêcheur mais n’est autre que le domaine de deux frères jumeaux qui tatouent chacun dans leur style. Dalton et Vital. le terrier des Weasley, l’endroit est plus grand à l’intérieur qu’il n’y parait à l’extérieur. Refait à neuf, propre. Les bureaux de dessin sont à l’étage. Réception dans les fauteuils confortables de l’accueil pour discuter du projet. Passage dans la pièce de travail le jour j. Les frères tatoueurs disposent d’un espace de travail spacieux, lumineux, propre et peuvent travailler en même temps, ce qui permet une ambiance assez sympa pour discuter (ou non, pas d’obligation), avec un fond musical bien sympathique qui va de morceaux de didgeridoo aux classiques du rock en passant par Massive Attack.
Il y a quelques mois, je commençais à aller mieux. J’avais une envie d’un signe, d’un avancement, de tout le travail sur moi et le chemin parcouru.
J’arrive dans le salon. Et j’exprime la volonté d’avoir un dessin avec une femme, une baleine, des algues ou des plantes, tout en traits légers. Un tatouage délicat.
Je me sens comprise. Je ne sais pas ce que ça donnera. Je fais confiance. Je n’ai pas été déçue.
La baleine
Depuis des années j’adore la baleine. Si j’avais un animal « totem » je pense que ce serait la baleine. Un animal calme à la fois immense et gracieux, lourd et délicat. Un symbole de sagesse et de sérénité. Tout ce que je me souhaite. La baleine, c’est 2015, le 2ème point charnière de ma vie. Il y a eu 2011. Il y a 2015. La rencontre avec les rorquals, les belugas et la baleine bleue. La baleine c’est ce moment de bonheur indicible en observant le souffle de la baleine bleue au cœur de la baie du Saint Laurent. C’est cette émancipation du voyage. C’est la pulsion de vie. La baleine, c’est l’espoir, la beauté, la vie, la majesté. La baleine c’est tout ce que je ressens mais que je ne peux pas dire , ne sais pas dire. La baleine, c’est l’hypersensibilité et l’indicible.
Algues et plantes
Les plantes prennent de plus en plus de place dans ma vie. Travailler la patience, visualiser le miracle de la vie, prendre soin. Il me faut du végétal, fut il aquatique. Ce n’est pas le cœur du tatouage. Ce n’est pas le plus important mais sans j’aurais trouvé le design moins juste. Tout est question d’équilibre.
La lune
J’étudie le cycle de la lune. Je me souviens à 10 ans dans un livre » Sabrina l’apprentie sorcière » découvrir l’appellation » lune gibbeuse« . Je l’ai marqué en mois. Cet adjectif si précis pour décrire le petit morceau de lune apparent 🌒🌘. Je trouvais que ce mot regorgeait de magie et de douceur. De mystère et de bonheur. Je l’ai imprimé dans ma mémoire. Des années plus tard, adulte, réfléchir mais rêveuse, je me penche sur le lien entre la lune et la féminité. J’essaie d’instaurer des rituels de soin et de douceur envers moi. Je suis attentive à l’influence de la lune et de la nature en général sur mon humeur, mes envies, mon corps. La lune me semble être un élément primordial. On lui attribue de nombreuses symboliques. Elle représente la limite entre le conscient et l’inconscient, la force intérieure, la lumière qui nous guide dans la nuit. Dans le tarot de Marseille, elle révèle l’intuition et la maternité. Je ne l’ai pas formulé auprès de l’artiste, l’importance et la volonté de la lune pour ce tatouage. Je suis d’autant plus touchée qu’elle soit donc présente.
La femme
La femme. Parce que c’est tout récent que je me définisse comme telle. La symbolique est tellement forte de quitter mon statut de fille pour celui de femme. Accepter et revendiquer ma féminité. Ma liberté. J’apprécie particulièrement la confusion et le doute, la part d’interprétation subjective que permet le dessin : sirène ou non? quelle expression du visage? Tout est possible. En tout cas, elle se tient droite.
La feuille de Ginkgo
La feuille de ginkgo, aurait des propriétés pour lutter contre l’anxiété et la démence. Cet arbre est aussi appelé l’arbre aux quarante écus. Il représente la longévité certains spécimens ayant atteint les 3000 ans. Il représente aussi la stabilité, la constance dont j’ai besoin. Il peut aussi symboliser l’amour dans certaines représentation spirituelles. Ce dernier fut un coup de tête. Un petit flash sur mesure de dernière minute.

Première ébauche. J’ai les larmes qui montent quand je reçois l’esquisse. Comment peut on cerner ma demande en si peu de temps, de mots? La femme reste cependant trop présente à mon goût

Le dessin final arrive. Je préfère. Je me reconnais. J’ai hâte



Feuille de ginkgo, le petit coup de tête en plus, le petit coup de cœur
(oui, j’ai du poil aux pattes et alors?)
Et puis, en fait, faut il qu’un tatouage ai forcément un sens? Je ne le pense pas. C’est une envie, une marque de soi, sur soi à l’instant T’, un souvenir, un joli dessin, une œuvre sur peau. Vouloir un dessin juste parce qu’il est unique, juste parce que c’est beau, que le beau fait du bien. Une envie, un désir.
« Et quand tu seras vieille ? » J’accepterai mes tatouages comme j’accepterai mes rides, mes bourrelets et mes cicatrices.
« Alors pourquoi tu veux faire recouvrir celui de tes côtes? » Parce que l’on m’a dit que c’était possible ! et quand je vois le travail fin de mon bras à côté de celui sur mes côtes, et bien, j’ai envie de quelque chose de moins catégorisé, de plus atypique et de plus soigné. J’aime bien la sensation de l’aiguille, la phase de projet. Ce n’est pas parce que je n’assume pas, je n’ai pas honte de me montrer nue, en maillot de bain. Il est ce que j’étais à un moment de ma vie. Si néanmoins le projet de recouvrement aboutissait, ce serait assez jouissif, plutôt cool de pouvoir arborer un nouveau dessin, de meilleur qualité. Pas d’obligation, ni de deadline pour l’instant. Affaire à suivre.
Si en énergétique, les tatouages peuvent bousculer l’équilibre intérieur, la symbolique de modifier son corps me permet au contraire de le ressentir, l’assumer et l’ancrer dans le temps, dans le moment présent. Il existe différents styles de tatouages, différentes personnalités de tatoueurs et de tatoués. Ne faisons pas de généralités. Je reste sur ma ligne conductrice : mettre de la beauté dans ma vie, mettre de la beauté sur ma peau. Dans ma peau.