la vie suit son cours.
A cause des élections présidentielles en préparation, nous n’avons pas le droit de trop nous balader. Le festival approchant à grand pas, il faut à la fois me reposer et mettre les bouchées doubles pour les derniers préparatifs. Qui m’en font voir de toutes les couleurs.
La banque du village ne fonctionne pas. Coupures d’électricités, mauvaise alimentation. J’effectue plusieurs aller-retour dans la semaine en taxi-brousse jusqu’à la capitale, où les banques ne fonctionnent pas mieux. J’essaie de trouver des arrangements avec les prestataires et mes collègues pour ne pas figer l’organisation du festival. Ce n’est pas simple.
Ces sorties sont les seules de ma semaine. La vie est comme suspendu dans une bulle. Nous attendons que les choses se débloquent d’elles même, sans chercher à forcer. Nous nous abandonnons au quotidien serein de l’Afrique.
Lever à six ou sept heures du matin. Il faut cheminer sur le goudron pour acheter le pain et les oeufs. A tour de rôle chacun prépare le petit déjeuner pour la quinzaine de convives à partager la maison. Omelette aux oignons et thé ou café en poudre.
A huit heure, chacun s’attèle à son projet ou effectue une corvée.
La lessive.
On puise dans le puit de la cuisine de l’eau jusqu’à remplir deux ou trois grands bacs qu’on monte ensuite sur la terrasse. Il y a toujours un vieil ordinateur, un portable ou le bar du coin qui diffuse de la musique, c’est plus agréable d’œuvrer en musique. L’Afrique musicale, toujours. On met la lessive sur les vêtements qu’on frotte avec une brosse humide, à même le sol ou sur un banc en bois. On trempe, on brosse, on essort, on trempe dans un autre seau, puis on essort et on étend. L’avantage du soleil africain, c’est que les vêtements sont vite secs. La technique est de bien secouer les vêtements avant de les étendre, pour limiter l’effet chiffonné.

C’est le matin, lorsqu’il fait encore frais qu’on lieu les missions les plus physiques. Construction de bâtiments, jardinage, chemin jusqu’au village…
Le ménage.
Toutes les maisons possèdes des branches sèches reliées entre elle. C’est le balai togolais. On se courbe au ras du sol pour épousseter.
Puis, on rempli les seau d’eau, et on arrose tout ce qui est en ciment ou en carrelage, avec un peu de lessive. Et on frotte fort. Et une fois par semaine, on va jeter la poubelle…. dans le trou derrière la maison.

La vaisselle.
On rempli deux grands baquets d’eau. La vaisselle trempe et est frottée dans l’un avec un peu de lessive, rincée dans l’autre et entassée dans un troisième, au soleil, sur le sol en ciment de la cuisine à ciel ouvert. La vaisselle se fait donc à croupi.
Le petit plus, c’est d’arroser les plantes avec l’eau sale.

La cuisine.
J’ai déjà fais allusion à la cuisine togolaise, les plats principaux et les corvées. La plus grande difficulté pour nous à la maison, c’est de cuisiner quotidiennement, trois fois par jour pour quinze personnes.







Après le déjeuner, un temps calme de sieste est instauré. La chaleur est pesante, même lorsque le corps est habitué. Le pays est au ralenti entre midi et quinze heure. C’est l’occasion d’achever ses corvées du matin, jouer un peu au cartes, prendre un verre au bar du coin ou tout simplement, se reposer en rentabilisant une bonne sieste ou encore en regardant une série. Souvent, une fois les corvées faites, ma colocataire et moi regardons ensemble une série, on écoute un peu de musique et on dort. j’aime bien mettre dans mes écouteurs le bruit de la pluie. C’est apaisant et rafraichi l’ambiance. Effet placebo.
Parfois, au réveil, nous avons le droit à un ananas coupé et une infusion préparée par les garçons de l’association. Ils tapent dans leurs mains pour obtenir le droit d’entrer dans nos chambres.
Souvent, après la sieste, ce sont les réunions, au village ou à la maison.
A dix-sept heures nous nous rendons au village pour le cours d’alphabétisation des femmes. Nous finissons toujours à faire la tournée des maisons et redoublons de ruses pour éviter de trop boire de togodine. Quand nous offrons en France une tasse de café, les togolais offrent un shot de Togodine.
A dix-huit heures, la nuit tombe en quelques secondes. Il est facile de se laisser piéger. Il faut alors souvent attendre les rares motos de l’associations, qui effectuent plusieurs voyages entre les villages et la maison pour ramener, deux par deux ou trois par trois tous les habitants de cette curieuse colocation.
Il faut préparer le repas, nous mangeons tous ensemble, parfois plusieurs services sont mis en place par les obligations de chacun.
Enfin, l’heure bénie de la toilette arrive.
Les toilettes.
La maison est munie de deux toilettes en faillance, tout ce qu’il y a de plus classique. Sans la lunette des toilettes. Sans chasse d’eau non plus. Chacun reçoit en début de semaine son précieux rouleau de papier. Attention à ne pas se le faire dérober!
Lorsqu’une envie pressante se fait ressentir, il faut trouver un seau vide, aller le remplir au puit dans la cuisine, penser à prendre son rouleau de papier et trouver un toilette libre. Après sa plus ou moins petite affaire, déverser le seau de haut pour générer une pression suffisamment forte afin d’évacuer vos besoins.
Eternel sujet de discorde entre yovos et ameïbos : où jeter le papier toilettes? Les ameïbos vous diront dans un seau à côté du toilette, vidé une fois par semaine, les yovos préféreront dans les toilettes, au moins pour la grosse commissions.

La douche.
C’est une toute petite pièce en faillance. Il y a le tuyaux mais pas la pomme de douche. Ni la liaison à l’eau courante. Il n’y a pas l’eau courante en réalité. Il faut donc trouvé un seau, deux si vous avez de la chance, les remplir au puit. Vous déshabiller et vous enrouler nu dans une serviette ou un pagne et entrer dans la petite pièce exiguë. Il est possible d’y entrer habillé, mais se dévêtir et ne pas tremper ses affaires dans cette pièce est légèrement compliqué. Une calebasse permet de s’asperger d’eau froide.
C’est le moment le plus attendu de la journée. Eradiquer toute cette sueur accumulée depuis la veille, ou le matin. Par économie d’eau et de temps, on ne se douche pas forcément plusieurs fois par jour. Et à quelques seconde d’être enfin frais, nos muscles se contractent, l’appréhension du choc thermique grandi. On se mouille petit à petit, on se savonne. Et vient le moment de se rincer et éliminer tout le savon du shampooing. Retourner le reste du seau sur toute sa hauteur.
Si vous avez bien calculé votre coup, vous pouvez essuyer le reste d’eau de votre corps presque déjà sec et vous enrouler dans votre pagne de nuit. Si vous êtes malchanceux, il faut rejoindre le puit en serviette pour reprendre un seau afin de se rincer, sans se faire voler la place dans la douche.
Enfin le plaisir d’être nue ou en culotte sous son pagne, la peau enfin fraîche , les cheveux humides, trois options s’offrent.
Aller directement s’allonger sur sa paillasse, écouter de la musique, lire, regarder un film ou dormir.
Monter sur la terrasse jouer aux cartes et boire des litres de coca et de Youki avec le groupe.
Faire la fête à renfort de tam-tams et de Togodine.
Une réflexion sur “Togo 10 – La routine”