L’article présentant le compte Instagram m’ayant amené à lire cet ouvrage était déjà long, alors, j’ai préféré poster en deux fois. Il y a de nombreuses phrases, de nombreuses formulations qui ont résonné en moi. Pour différentes raisons que je vais librement choisir ou non de détailler ici. L’essentiel c’est de passer et partager le message.
Vraiment, pour vous faire une idée, pour soutenir le message de tous les enfants en souffrance, y compris tous les enfants intérieurs qui ont arrêté de grandir, ce livre est une pépite.
« Vous pensiez vraiment qu’il restait une place pour être qui que ce soit, parmi vos paradoxes et vos vacarmes? »
Parfois, c’est difficile de s’affirmer, de grandir entre des paradoxes et des disputes. Même les disputes silencieuses sont pesantes de retentissements.
« J’ai quitté la maison de l’enfance, et soudain, je ne sais plus lire ni écrire. Peur des autres, des corps et des visages, de ce qu’ils pourraient dire ou faire. Peur des voisins, peur du bruit, peur d’ouvrir les volets, peur de sortir, peur de la rue, des rues qui se confondent. Sur le sol, des angoisses de plusieurs heures où personne n’est là pour me calmer. Un sol qu’on ne sent plus, comme si plus rien n’était sous soi, un corps suspendu, aucun fil, aucune attache, rien pour vivre, rien sinon la peur, et la colère peut-être plus tard […] »
A la lecture de ce passage, je suis juste soufflée, et l’estomac commence à se serrer. Sans savoir pourquoi, et bien que ma psy m’ai expliqué que c’était probablement ce qui m’était arrivé, voilà que je lis des lignes que j’aurais pu écrire et qui illustrent avec les mots d’une autre personne ma dépression de 2011. C’est fort. Très fort. Trop fort.
« J’ai peur de revenir au monde, j’ai peur du monde, des autres qui courent dans les rues, vers l’avenir, sans savoir vraiment ce qu’ils font, seulement courir, c’est ce qu’on leur a appris, courir après quelque chose qui n’existe pas, ne pas s’arrêter, ne pas poser son regard sur quoi que ce soit. On risquerait de ressentir quelque chose, de pendre peur en comprenant qu’on existe. »
J’ai déjà ressenti ce sentiment. A vrai dire, je le ressens encore au moment où j’écris ces lignes. Envie de rester dans un cocon, une bulle de sureté où je peux maîtriser les choses. Je pense aussi à mon éducation et à tous ces gens qui courent quand je refuse de courir. Au bonheur de l’ignorant et à la tristesse de ne pas oser regarder et prendre conscience qu’on existe…
» Parfois, au cours de notre vie, il faut réapprendre à parler comme en naissant. »
C’est le travail que je mène, à différentes échelles. Réapprendre à me parler intérieurement plus doucement. Réapprendre à parler aux autres, à maîtriser différents langages selon les langues, mais surtout selon les caractères, les situations, ce qui m’appartient et ne m’appartient pas. Ce que je dois affirmer ou taire. Selon mes propres valeurs.
» Et l’on pleure toutes les larmes que nos parents n’ont pu pleurer. »
Et j’ai l’impression que parfois, trop de larmes n’ont pas été versées, sans savoir lesquelles, ni pourquoi. « Ne vivez-vous pas pour 3? » Oui, en effet, mais pourquoi, je ne sais pas. On parle de psychologie intergénérationnelle. Je n’y croyais pas. Aujourd’hui, je suis plus que convaincue et épatée par tout ce qu’on peut recevoir, du bon comme du mauvais.
« On me reproche d’être trop radicale, pas assez modérée. J’ai beaucoup trop de rage en moi pour être modérée et je n’en suis pas désolée. »
Rage est un mot un peu fort pour mon cas. De la colère oui. Et je suis souvent désolée encore cependant. Je ne devrais plus l’être. Je travaille sur moi et mes nuances.
« Peut-on guérir un jour de la maladie de ceux qu’on a un jour aimé? »
Cette question s’inscrit en moi et plusieurs visages passent dans mon esprit avec un petit « non » en filigrane. Est-ce la réponse véridique? L’avenir me le dira. En tout cas, elle est lourde de sens.
» Mes parents ont su vivre les yeux fermés sans se blesser mais moi je n’en finis pas de me cogner à tous les corps et à toutes les portes. On ne m’a rien appris, seulement qu’il ne fallait pas être triste, qu’il ne fallait pas pleurer, qu’on n’en avait pas le droit. »
Autres temps, autres mœurs. Aucun reproche. Simple constatation. C’est difficile de transmettre la gestion de ses émotions, surtout quand on ne sait pas trop forcément comment le faire soi-même. C’est fou comme parfois, c’est facile de franchir les limites et paradoxalement avoir du mal à se mettre à nu sur certains sujets. En tout cas, j’ai une mélancolie chronique en moi. Et il faut apprendre à vivre avec plutôt que de l’étouffer jusqu’à ce que j’explose ou bien souvent implose.
« Je ne ressens rien. A la maison je saigne mais je ne pleure pas. Maman enlève le bâton dans la salle à manger ‘tu as dû t’accroupir dans la forêt pour faire pipi’. Je n’ai rien dit. »
Je crois que parfois, dans certaines situations, ce n’est pas la situation en elle-même qui me heurte, c’est la réaction que j’attends de mes proches qui n’est soit pas adaptée (du tout), soit pas celle attendue. Dans tous les cas, c’est difficile à encaisser. Accepter. Ce n’est pas volontaire. Ce n’est pas contre moi.
« Le traumatisme, comme le bras arraché par un animal sauvage, et la blessure que l’on cache pendant dix ans, vingt ans sous une manche de vêtement à peine assez longue. La blessure ouverte, brûlante, qui se transforme avec le temps, qui s’infecte, qui s’étend. Le bras noircit et devient peu à peu tout à fait mort. Et la mort s’étend aussi. On met des cols roulés, des manteaux, des gants mais on ne peut plus cacher la mort qui glisse, qui recouvre le corps, qui s’en empare et le remplace. Alors, on enlève les vêtements un à un, quand on ne peut plus cacher les blessure, on les enlève avec une lenteur ahurissante, parce qu’on a mal, parce qu’on a peur. On enlève les vêtements un à un, on ne les avait jamais enlevés depuis, et l’on découvre avec effroi l’ampleur des dégâts, le temps irrattrapable qu’il faudra pourtant bien rattraper. »
Le traumatisme, quand on l’a habillé et camouflé, on n’en avait même pas conscience. Je ne m’explique pas ce que j’ai engrangé et ce qui explose à 29 ans.
» Souvent, j’avais besoin de la colère des autres. Mais à chaque fois qu’on me disait que je m’en remettrais, c’était une négation de la souffrance. Ne dites pas qu’on s’en sortira. Ne dites pas non plus qu’on ne s’en sortira pas. »
Qu’est ce que cette négation m’est insupportable ! Au delà de ne pas être soutenue, je pense que ce qui m’insupporte le plus, c’est d’être incomprise ou niée. Peut être trop par le passé, sans faire exprès.
« A tous les enfants du monde : ce n’est pas de ta faute. »
Une réflexion sur “A ventre ouvert d’Hélène Lly Article 2”