La jeune fille à l’ombrelle, Claude Monet 1886
2011, sortie avec la terminale Littéraire où je m’épanouie, avec des heures de philosophie et de littérature. Visite pour la première fois de ma vie du musée d’Orsay. J’ai jusque là, des a priori sur la peinture. Oui, c’est technique, oui c’est compliqué, oui c’est titanesque. Peut-on s’émouvoir de ces images? Réponse avec la jeune fille à l’ombrelle de Monet.
L’origine du Monde ne me fait ni chaud, ni froid, les tableaux dont j’ai oublié les représentations m’amusent ou provoquent des réactions minimes et légères. Une reconnaissance et admiration certaine de la technique. Pas de l’émotion.
Et puis arrive les impressionnistes. Je sais que ces touches de peintures en folie bigarrées me parlent plus, attirent mon œil et mon cœur. Et arrive la série d’étude de la jeune fille à l’ombrelle. Et là…. C’est la chute.
Je suis au bord de cette falaise. Je sens le vent qui agite mes mèches rebelles et fouette mon visage. Je sens les herbes folles chatouiller mes mollets. Je sens l’odeur de l’herbe, des embruns de la mer en contrebas. Je sens les rayons du soleils transpercer la fine ombrelle, chauffer plus fort sur mes mains nues. Je me sens confuse, perdue dans cette immensité d’élément, ce tranchant entre le bleu de la mer, du ciel et le vert de l’herbe. La force du soleil roi qui surplombe la scène et ne fait qu’accentuer l’ébullition de mes émotions en pagaille.
J’ai 18 printemps à peine, suis je au musée? Prête à sauter? Le vertige m’assaille et ce tableau me renvoie toutes les incertitudes de la jeunesse, la violence de mes sens et de mes sentiments exacerbés.
Je ne sais pas si une seconde, une minute ou plusieurs se sont écoulées. Dans un vertige inversé, je reviens à moi, je reviens à l’instant. Le tableau me semble plus grand qu’il ne l’est. Plus majestueux. Les couleurs vives et douces, familières. Ai-je été dans cette image?
Je porte la main à ma joue et sens le chemin qu’une larme y a tracé. Je ne croyais pas qu’il était possible de pleurer devant une peinture. Avoir des papillons dans le ventre et faire une chute en soi à travers la création d’un autre. Maintenant je sais que c’est possible. Je l’ai vécu. Très fort.
Il est difficile, 10 ans plus tard de transcrire la force, presque la violence, des sentiments qui m’ont traversés. La distorsion du temps. C’est néanmoins chaleureux de se souvenir de ces sensations et qu’elles soient encore prégnantes malgré toutes ces années.
Portrait d’une jeune fille, Picasso 1914
2021, 10 ans plus tard, me voilà en proie à un sentiment de déjà vue improbable. Je me tiens devant une toile de Picasso représentant un portrait d’une jeune fille. Je n’adhère la plupart du temps, pas du tout à l’art cubiste. Pas que je ne comprenne pas. Cela ne me touche pas. Nuance.
Et la magie opère à nouveau. A l’aube de mes 29 ans, me voilà à nouveau aspiré dans un vortex qui tourne et me plonge à la place de cette jeune fille dans un lit de vert apaisant, les motifs délicats qui m’évoquent une robe florale me réchauffent et m’enveloppe d’une sensation de bien être. Cette jeune fille que je ne pensais pas voir me prends par le cœur et se découvre dans toute sa douceur, sa naïveté et sa candeur. Je la vois mieux que toutes ces jeunes filles de la peinture classique. Je la vois mieux que mon propre reflet dans le miroir. C’est rassurant d’admirer ce portrait. Cette jeune fille n’a pas de visage, et pourtant, elle est magnifique et me fait les yeux doux. Cette jeune fille, c’est moi? C’était moi? Aurais-je aimé que ce soit moi? Pourquoi m’apaise-t-elle autant? De la nostalgie? Tant de bien-être se répand sous ma peau à la vue de cette oeuvre.
Quand je m’en détache. les formes et les couleurs restent imprégnées sur ma rétine, flottent dans ma tête. Quand j’y reviens, j’ai le plaisir de découvrir la silhouette de ma filleule, presque 18 ans, qui se tient à côté du portrait. J’immortalise fébrilement ces deux jeunes filles qui me donnent beaucoup d’espoir, de fierté et d’amour.
Peut-on comparer ces deux œuvres? Je dirais que tout est possible. En tout cas, elles se sont fait échos, à 10 ans d’écart lors de nos rencontres respectives.


2 réflexions sur “La jeune fille, un thème qui me bouleverse”