Cocoon, l’inversion des pôles, incipit

J’ai toujours adoré écrire, lire. J’ai un tendre souvenir des heures passées dans mon lit, dans le jardin, en voiture à dévorer des romans jeunesse. A la suite d’un appel à texte, auquel je n’ai jamais répondu, j’avais commencé la rédaction d’une dystopie futuriste. En voici le premier chapitre. Attentive à tous vos avis et conseils, je publierai les chapitres suivants et me remettrait à l’écriture de la suite si cela est apprécié.

Chapitre 1  » Dépêche-toi! »

L’interminable rue Y-50, scindait le quartier des Headers d’une bande magnétique glaciale destinée au passage des capsules, activant le tube de protection au fil de leur parcours. Les bâtiments anti-sismiques s’imbriquaient les uns aux autres dans une mosaïque uniforme. Les panneaux solaires renvoyaient la lumière blanche du ciel grisâtre qui commençait déjà à s’obscurcir en ce début de soirée. Le manteau rouge à froufrou de Lola tranchait la monochromie géométrique du décor.
À travers les vitres de la capsule, elle s’émerveillait toujours de la régularité et la perfection du Reflexio. Cette zone centrale de la ville rassemblait les meilleurs chercheurs, ingénieurs et travailleurs sous la direction des Headers, le regroupement des nouveaux chefs continentaux. L’articulation de de la cité-monde avait été savamment étudiée pour permettre une évolution intuitive et pratique en son sein.
Depuis l’épuisement des ressources pétrolières quelques millénaires plus tôt et surtout, depuis les grands mouvements des plaques tectoniques, les capsules avaient remplacé les anciens moyens de transport. Elle suivaient des réseaux reliés aux bâtiments publiques et aux stations des quartiers résidentiels. Différentes capsules remplaçaient taxis, bus, trains et même avions pour les longues distances. Les bandes magnétiques et les tubes de sécurité s’imbriquaient et changeaient de trajectoires au gré des appels émanant des utilisateurs mais également en fonction des changements d’aspects de la surface de la terre.

« Architecte, cela m’aurait plu » songeait-elle en levant les yeux vers le sommet des grandes batisses. Après sa petite enfance au cœur des dernières fermes de plein air, Lola appréciait pouvoir évoluer au cœur de la ville, dans l’air du temps. Son père aurait tellement aimé connaître cet univers où seul l’élite avait accès. Il était aujourd’hui interné, aux limites de la ceinture de résidence chaotique. Là où les plus pauvres et les derniers pro-terrianistes se trainaient dans des bidonvilles. Lola se désolait de ne pouvoir offrir plus de temps et de confort à son père mais le destin lui donnait l’opportunité de briller et révolutionner le monde. Elle ne pouvait pas laisser passer cette chance. C’est un peu pour son père, qu’elle avait accepté, espérant lui faire vivre par procuration la gloire et la fierté d’être nécessaire au cœur du système.

Elle n’était pas architecte. Lola travaillait au laboratoire de recherches et développement de la néo-IA, la nouvelle Intelligence Artificielle. Elle était personnifiée par son prénom : Néoia. Avec la mise en orbite de satellites viables autour de la Terre mais aussi en divagation autonome dans le système solaire, la domotique, l’utilisation de la néo-IA avait explosé ces derniers siècles. Lola, à la fois amère de ne pas être à l’initiative première de cette technologie, restait cependant persuadée qu’il était toujours possible de repousser les limites de la science et parfaire les techniques et les possibilités offertes par la nouvelle Intelligence Artificielle. Et puis, ils étaient très peu à pouvoir se targuer de représenter l’élite du Réflexio à quinze ans.
Sa détermination, sa confiance en elle et son pouvoir de persuasion lui ont valu d’être repérée très jeune. Elle tentait de créer, du haut de ses sept ans, ses propres engins intelligents de récoltes avec les objets de récupérations trouvés dans la ceinture de recyclage, pourtant interdites aux non-employés. C’était pendant les dernières années à la ferme, dans la ceinture d’Agriculture. Lola s’était arrangée pour que le professeur Zirnov, responsable du secteur biologique, professeur au Reflexio et fidèle bras droit du Header suprême, assiste à ses manœuvres lors de sa visite semestrielle, à l’occasion du transfert des grandes récoltes.
Si Kurk Zirnov avait été impressionné par la maîtrise technique de Lola, il avait particulièrement été saisi, en lisant au dessus son épaule, par le travail méticuleux de sa jumelle Lilo, répertoriant avec une concentration hors du commun, la liste exhaustive de la faune environnante sur les quarante kilomètres autour de la ferme et l’étude poussées de leurs propriétés.
Au Reflexio, il enseignait le plus souvent, à des élèves dont les parents étaient issus des hautes sphères politiques et ne présentaient malheureusement pas tous un potentiel aussi concentré que celui des jumelles. Encore moins à leur âge. Sa passion de transmettre lui avait donné le courage de demander au conseil des headers l’intégration des jumelles au Reflexio. Il avait reçu par un vote mitigé l’autorisation et les moyens de recruter les enfants.
Et voilà, comment Lola en était arrivé à traverser la ville principale du globe en capsule vitrée, huit ans plus tard, allant à la rencontre de sa sœur, avec une excitation teintée d’appréhension. La capsule s’étant immobilisée à plusieurs reprises sans raison sur le trajet, comme elle l’avait fait régulièrement depuis plusieurs semaines, elle était en retard. En arrivant, elle ne prit pas le temps de s’attendrir devant sa jumelle afférée à manipuler, à traver des gants incrustés dans une paroi de verre, les cellules d’une plante disparue.
– Dépêche toi ! Le congrès n’attend pas! Je n’ai vraiment pas envie d’arriver au beau milieu du discours de Matheus, lança Lola, dans l’embrasure de la porte du laboratoire.
Lilo, leva les yeux vers sa sœur, déjà vêtue de sa robe de soirée, sous son manteau tape à l’oeil. Absorbée dans son travail, elle avait complètement oublié la rencontre entre tous les intervenants du projet PAR-COCOM, plus simplement appelé COCOON.
– Donne-moi quelques minutes, le temps de me rafraichir. Appelle la capsule.
A toute vitesse, Lilo retira sa blouse, s’engouffra dans la douche et selectionna le mode express. L’eau propulsée en fines goutelettes ruissela sur son corps mate se mêlant au savon vaporisé de chaque côtés. Puis, le séchoir s’activa. En quelques minutes, elle êtait propre et sèche. — Tenue de soirée, dit-elle au miroir numérique.
– Votre unique tenue de soirée est disponible, souhaitez-vous une livraison express d’une nouvelle tenue moins ringarde? lui répondit la voix de Kiu, l’Intelligence artificielle qui lui était attribuée au labo.
Sa sœur avait réussi à différencier et humaniser les algorithmes permettant à l’IA d’intéragir avec les humains selon le contexte et les personnes. Cela lui avait valu son ticket d’entrée pour le COCOON. Lola avait choisi ce nom, car elles avaient enfants, un lapin domestique nommé ainsi. Lilo se faisait souvent la réflexion que l’IA aurait très bien pu porter le nom de sa sœur tant certaines répliques semblaient tout droit sorties de la bouche de Lola.
– Non merci Kiu, celle-ci me suffit amplement »,souffla-t-elle.
Elle dédiait sa vie à la science. Ses instruments de recherches ne lui imposaient en rien le port de talons ou de tissus nobles. Elle privilégiait le confortable et l’utilitaire. Ses boucles épaisses réunies à la hâte en chignon, Lilo se jeta dans l’ascenseur pour rejoindre sa sœur sur le pont d’embarquement.
Lorsque les portes s’ouvrirent, Lilo ne pu s’empêcher d’admirer l’élégance de sa jumelle. Cheveux lissés, rouge à lèvre réhaussant sa peau brune, elle avait assorti avec goût ses accessoires. En observant le corps élancé et assuré qui se dessinait sous le manteau rouge, Lilo se demandait comment, l’attitude pouvait à ce point influer sur l’apparence. Identiques, il était pourtant très facile de les différencier. Lilo sortit avec difficulté de l’ascenseur, titubant sur ses talons aiguilles.
– Te voilà! La navette a failli repartir sans nous, dit Lola, sans prêter attention au manque d’assurance de sa sœur.
Lilo se dirigea tant bien que mal vers les portes d’embarquement de la capsule.
– Comment fais tu pour ne pas être plus inquiète? S’étonna Lilo, dont le visage commençait à blanchir d’angoisse.
Lola tenta de rassurer sa sœur, et se persuader elle même:
– Ce n’est qu’une réunion de travail comme nous en avons déjà eu. Le problème ne vient pas de moi, ajouta-t-elle, désinvolte.
– Non, mais pour le Conseil des Headers, tu es sensée trouver la faille qui empêche Néoia d’obéir sur le COCOON, tu dois te sentir légèrement responsable, non ? Insista Lilo.
Sa jumelle essuya l’eye-liner qui coulait sous son œil droit qu’elle avait aperçu dans le reflet de la vitre, d’un geste vif, agacée par l’anxiété de Lilo.
– Ecoute, je sais que cela peut sembler plus qu’étrange, mais je suis persuadée que mon travail sur Néoia n’est pas la cause. Il se passe quelque chose sur ce projet. Peut-être des interferences inévitables dûes aux satellites au dessus de nos têtes, un techniciens qui sabote mon travail ou de mauvais matériaux, je ne sais pas mais Néoia ne doit pas être remise en cause, s’énerva Lola.
Lilo ne parla plus pendant un temps. Leurs caractères étaient tellement opposés, qu’il leur était parfois difficile de s’entendre. C’était une relation fusionnelle et explosive. Les jumelles ne pouvaient se passer l’une de l’autre et pourtant se querellaient un peu trop souvent au goût de Lilo. Elle décida de se confier.
– Peut-être que tu n’as rien à te reprocher, je n’ai pas cette chance… Commença-t-elle, en sentant son estomac se nouer.
Interloquée, Lola s’adoucit.
– Tu sais d’où vient le problème? Hasarda-t-elle.
– Bien sûr que non! Je t’aurais mise au courant bien plus tôt! C’est juste qu’après notre départ précipité, la Bulle est restée dans le COCOON et je ne dispose pas des moyens nécessaires ni du temps pour en reconstituer une nouvelle avant l’inversion des pôles. Je ne sais pas quoi faire! Kurk va être tellement déçu et Matheus va me désintégrer sur place!
Lola resta interdite devant le désarroi de sa sœur. La capsule s’immobilisa à destination avant qu’elle n’ai trouvé une solution. Elle attrapa Lilo par le bras avant l’ouverture des portes.
– Je te jure de trouver une solution, ne perds pas la face devant le conseil.
Lilo opina et se redressa. Elles avancèrent vers la salle de réception du bâtiment principal des headers.
Les jumelles s’immobilisèrent à l’entrée de l’amphithéâtre. Plusieurs centaines de personnes avaient pris place dans les gradins. La scène qui se déroulait sous leurs yeux ne ressemblait en rien aux groupes de travail habituels. Leurs collaborateurs s’étaient installés dans les premiers rangs. Lilo se dirigea vers la présence rassurante du Professeur Zirnov.
– Professeur ! Que se passe-t-il ? Qui sont tous ces gens ?!
Zirnov fixa Lilo par dessus ses lunettes, tout en caressant sa petite barbe blanche. Les années avaient courbées ses épaules et la lumière blanche des spots se reflétait sur son crâne dégarni. Il sorti un carton d’invitation de sa blouse et le tendit à la jeune femme.
– Matheus a décidé qu’il était temps de présenter le projet aux futurs bénéficiaires. Il compte commercialiser les meilleurs zones du COCOON. Bienvenue à la première campagne Marketing publique, ironisa-t-il.
Lola qui s’était approchée haussa les sourcils.
– Commercialiser ? Le principe n’était-il pas de sauver TOUTE la population terrestre sans discrimination ? S’étonna-t-elle.
– J’espère que c’est toujours le cas. Matheus élude toutes mes questions à ce sujet. Il met en avant le fait que certains habitats seront plus luxueux que d’autres, et certaines denrées plus rares, qu’il est donc normal d’élaborer une hiérarchie et différents privilèges accessibles par l’élite, en tirant profit de la concurrence parmi eux.
– Mais cette présentation est bien trop prématurée ! La première tentative de construction a échouée! S’emporta Lilo, attérée, n’osant pas s’épancher sur le caractère éthique soulevé par sa soeur.
Zirnov eu à peine le temps de lui faire signe, que Matheus arriva dans le dos des jumelles.
– Et voilà le duo infernal ! apostropha Matheus. Prenez place. J’attends de vous du tact et de la discrétion. Pas d’éclat en public, nous discuterons en plus petit comité après la présentation. Je compte sur vous.
Il se retourna et marcha d’un pas décidé vers l’estrade. Matheus avait été élu par le conseil intercontinental dans une période de trouble. Le Monde avait mis des siècles à digérer les changements géographique, climatiques et accepté le fait de ne jamais pouvoir rejoindre la vie des « extratriés » dans les satellites. L’annonce de l’inversement des pôles dans un futur proche avait semé un vent de panique dont Matheus su tirer profit en promettant d’être l’homme de la situation. Ce cinquantenaire à la tresse blonde vénitienne et au costume rouge avait un talent d’orateur avéré et semblait attaché à ses promesses. Cependant, les jumelles avaient le sentiments que le projet COCOON allait prendre une tournure qui ne leur inspirait pas confiance.
Lorsque tous les gradins furent occupés, les lumières se tamisèrent progressivement jusqu’à ce que l’amphithéâtre soit dans l’obscurité totale. Un projecteur fit lumière autour de Matheus.
– Mesdames et Messieurs, bonsoir, commença-t-il. Les intervenants et moi-même vous remercions de votre déplacement. Nous sommes ravis de vous présenter le projet PAR – COCOM ou plus affectueusement, COCOON. Mieux que des paroles, je vous laisse visionner le film de présentation. Pour illustrer les graphiques et les images de synthèses, une voix commerciale exposa la situation.

 

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